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Philosophie

01-01-2024
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Parler de l'histoire d'un rite est utile pour en comprendre les évolutions, mais il est tout aussi important de mettre en lumière ses spécificités en se demandant ce qu'il peut avoir de caractéristique et de novateur. En effet, si un rite a une pérennité, c'est vraisemblablement qu'il correspond à une sensibilité, à une expression qui a sa place dans la tradition Maçonnique.

Rappelons tout d'abord que les rites dits égyptiens se distinguent plus par leurs Hauts Grades, que par les rituels en usage dans les loges bleues. Nous avons en effet expliqué plus haut que la création de ces rites au XVIIIè siècle ne concernait que ceux qui étaient supérieurs au troisième, les trois premiers (Apprenti, Compagnon, Maître) travaillant la plupart du temps au rite français. Ces derniers n'ont donc jamais eu pour la plupart de caractéristiques véritablement égyptiennes. Ce n'est que peu à peu et encore plus à une époque relativement récente que l'on a introduit à la fois en France (et à l'étranger) des éléments tirés de la connaissance que l'on avait de l'Egypte. Quelques textes poétiques et évocateurs, associés à des terminologies spécifiques et des séquences rituelles intenses dans l'implication de la totalité de l'individu, en firent toutefois un rite spiritualiste d'une intéressante portée.

Les Hauts Grades quant à eux connurent des évolutions extrêmement nombreuses, tant dans leur nombre, leur contenu, leur riche symbolique, que l'ordre dans lequel ils étaient hiérarchisés.

Comme nous l'avons dit plus haut, les rites égyptiens ne se sont pas développés ex nihilo. Depuis longtemps déjà, la tradition égyptienne était auréolée de mystères et d'attraits. Durant tout le moyen âge on était resté à peu près ignorant de toutes les traditions précédentes. Puis l'Occident connut une révolution intellectuelle considérable, celle de la renaissance et plus particulièrement la renaissance italienne et florentine. En 1450, Cosme de Médicis et Marsile Ficin fondèrent l'Académie platonicienne à Florence. Durant plusieurs années, Marsile Ficin, à la demande de Cosme de Médicis, traduisit les textes hermétistes, platoniciens et néoplatoniciens. Les acteurs de l'académie de Florence redécouvrirent alors la tradition hermétiste des anciens philosophes et à travers eux, l'Egypte. Ils redonnèrent vie à cette « chaîne d'or » qui unit les initiés à leurs ancêtres du bassin méditerranéen. La nouvelle Académie de Florence devint un centre intellectuel de premier plan où va s'effectuer la riche fusion de la tradition judéo-chrétienne et des philosophies antiques hermétistes. Il est intéressant de remarquer que la « Nouvelle Académie » n'opposait pas la philosophie du paganisme antique au christianisme. Cette redécouverte des traditions anciennes entraîna au contraire un réciproque enrichissement. Ces esprits éclairés et libres concilièrent la tradition d'Hermès et les enseignements de Platon, Plotin, Plutarque, Jamblique, Proclus, etc. avec les enseignements kabbalistiques judéo-chrétiens. Il est bien évident que cette héroïque tentative ne fut pas perçue avec autant de tolérance de la part des pouvoirs de l'Eglise, d'autant plus que l'accent était tout de même plus fort sur le plan philosophique et néoplatonicien, que chrétien. L'influence et l'approche de l'œuvre de M. Ficin et de bien d'autres se firent sentir dans toute l'Europe. Or, les ouvrages grecs traduits identifiaient l'Egypte comme origine mythique et source de la tradition spirituelle. Pour les Grecs, l'Egypte était le lieu où devait se rendre tout philosophe, tout individu qui désirait s'initier à la sagesse. Leur civilisation, leur religion étaient identifiées et reconnues comme les plus anciennes. Pythagore, Plutarque, Platon, pour ne citer qu'eux, se rendirent sur cette terre. Il devint alors peu à peu évident à la Renaissance qu'au-delà de l'ancienne Grèce, existait une tradition encore plus ancienne qu'il convenait d'étudier. Divers auteurs, cités au début de l'article, se lancèrent sur cette piste à travers des œuvres considérables. La campagne d'Egypte de 1798 aboutit quant à elle à quantité de découvertes, notamment en 1822 celle de l'écriture hiéroglyphique par Jean-François Champollion.

Déjà en Angleterre, Anderson faisait référence aux Mystères antiques, et la franc-maçonnerie se mit peu à peu à intégrer des éléments symboliques relevant des traditions des Mystères. Le décor du temple, le déroulement des rituels se modifia quelque peu dans les premiers grades et acquit dans les Hauts Grades une teinture franchement inspirée des mystères anciens.

Les rites égyptiens ont développés peu à peu des caractéristiques, tant positives que problématiques. L'intention des premiers fondateurs du 18ème siècle était de réveiller, à partir des connaissances de leur époque, l'esprit et dans une certaine mesure la pratique des mystères sacrés des traditions antiques, les intégrant dans le cadre nouveau de la franc-maçonnerie. Plus tard les fondateurs de Memphis et de Misraïm procéderont de même. Nous pouvons distinguer deux influences principales, qui définiront deux aspects de la philosophie de ce rite.

Le premier, plus propre à Misraïm, et mis en place par les Bédarride, relève de l'influence de la kabbale judéo-chrétienne s'inspirant assez vaguement de « l'Ordre des Elus-Cohens » de Martinès de Pasqually et des kabbalistes chrétiens de la Renaissance.

Le deuxième, celui de Memphis, activé par Marconis de Nègre, visera plus spécifiquement l'hermétisme classique et les mystères anciens pré-chrétiens. Nous pourrions presque dire qu'il s'inspire d'avantage dans l'esprit de « La Haute Maçonnerie égyptienne » de Cagliostro.

La franc-maçonnerie égyptienne n'est ni une religion, ni un ésotérisme monothéiste, ni un hermétisme héroïque (transformant le héros de l'antiquité en un surhomme destiné à dominer les masses) et pourtant ses 200 ans d'existence continuent à démontrer l'originalité de cette expression.

Tous, et Marconis de Nègre certainement encore plus, ont tenté de faire revivre sous la forme maçonnique, les anciens Mystères. Nombreux ont été les symboles, les séquences rituelles qui ont pénétré la tradition maçonnique dans son entier, et cela quels que soient les rites. Plus explicitement, les rites égyptiens ont essayé de matérialiser et de faire revivre dans leurs systèmes de Grades, ce qu'ils percevaient comme richesse dans les traditions du passé. Mais cet espoir, cet idéal eurent beaucoup de mal à s'exprimer car il opposait deux systèmes de pensée, deux façons de voir le monde, un démocratique et exotérique face à un aristocratique et ésotérique.

Doit-on donc en conclure que cette opposition est irréductible et que toute compromission de l'un envers l'autre doit être nécessairement diabolisée ?

Que les anciens Mystères et la philosophie classique n'ont rien à apporter à la franc-maçonnerie d'aujourd'hui ?

Certainement non et c'est sans doute l'inverse qui est vrai. Car cette opposition repose sur une méconnaissance des principes de la philosophie et de l'hermétisme, conception qu'avaient parfaitement compris les acteurs de l'Académie de Florence, même si les circonstances les empêchèrent de l'exprimer.

En effet, les textes anciens de la tradition hermétique n'invitent pas à une soumission aveugle à un principe, aussi divin soit-il. L'initiation n'est sans doute pas cet influx qui descend à travers tel ou tel hiérophante. Elle est au contraire l'expression de la vertu et de l'intelligence de l'homme, manifestation de cette détermination qui lui a permis de dépasser le statut d'animal. Nous sommes vraiment là au cœur de la tradition maçonnique, dans ce qu’elle a de plus riche et de plus noble.

Les anciennes instructions maçonniques disent : « Nous sommes ici pour creuser des tombeaux pour les vices et élever des temples à la vertu ; » et nous lisons dans le traité  du Corpus Hermeticum :

« Or le vice de l'âme, c'est l'ignorance. En effet quand une âme n'a acquis aucune connaissance des êtres, ni de leur nature, ni du Bien, mais qu'elle est toute aveugle, elle subit les secousses violentes des passions corporelles. Alors la malheureuse, pour s'être ignorée elle-même, devient l'esclave de corps monstrueux et pervers, elle porte son corps comme un fardeau, elle ne commande pas, on lui commande. Tel est le vice de l'âme. Au contraire la vertu de l'âme est la connaissance, car celui qui connaît est bon et pieux et déjà divin. […] Aussi, quand tu rends grâce à dieu, il te faut prier d'obtenir un bon « intellect ». […] L'homme est un vivant divin [...] c'est un dieu mortel. »

Bien évidemment ce texte est beaucoup plus précis et nous n'en citons qu'un extrait.

Platon explique à plusieurs reprises dans ses dialogues que les passions emprisonnent l'âme, la partie spirituelle du corps. Elle ne peut alors s'élever naturellement vers le monde des idées. La vertu va au contraire nous permettre de développer en nous ce qui est essentiel et de débuter cette ascension vers la Lumière. Remarquons que c'est en cultivant la connaissance et donc l'intelligence, nous dirions aujourd'hui la raison, que nous nous détachons des passions et que nous manifestons pleinement notre humanité, notre nature de « dieu mortel ». Nous n'avons pas à attendre une quelconque révélation, un salut qui viendrait de l'extérieur. Nous possédons déjà les qualités nécessaires et il nous appartient de les exprimer, de les cultiver par notre travail constant et déterminé. « Gloire au travail » dirions-nous en franc-maçonnerie. S'il existe alors une hiérarchie, elle ne peut-être que le fait d'individus conscients de leurs faiblesses et de la fragilité de la nature humaine œuvrant à se parfaire sur tous les plans. L'émulation par la raison et la connaissance, voilà ce que propose l'hermétisme.

Mais si nous nous limitions à cette vision, nous ne donnerions qu'une vision trop fragmentaire de cette voie, car comme le dit le texte du Corpus Hermeticum cité plus haut, « celui qui connaît est bon […] et déjà divin ». Cela implique la reconnaissance d'une dimension sacrée, spirituelle inhérente à l'être et au monde. Car la tradition maçonnique telle qu'elle est visée dans les rites égyptiens, n'est pas une simple philosophie morale. Elle est une véritable voie initiatique impliquant une dimension sacrée intérieure et extérieure à l'être. Le mythe et le rite ont alors pour fonction de servir de guides à la conscience de celui qui parcourt cette voie. Déclarer que l'exercice de la raison, associée à la vertu, permet de s'avancer vers le monde spirituel, est une condition nécessaire mais sans doute non suffisante. Cette ascension de l'esprit vers le Beau et le Bien dont parle Platon est liée dans notre tradition et d'une façon explicite dans le rite égyptien, à l'évocation du sacré par l'intermédiaire de l'activation symbolique et rituelle. Car les symboles rituels sont la représentation des Idées du monde intelligible. Comme l'écrivait l'initié Jamblique :

« Les Égyptiens, imitant la nature du Tout et l'œuvre des dieux, révèlent par des symboles certaines images des conceptions mystiques cachées et invisibles, tout comme la Nature, dans les formes visibles, a imprimé, d'une façon symbolique et comme l'œuvre des dieux a esquissé la vérité des idées par des images apparentes ». (Sur les mystères, VII, I)

Les cérémonies rituelles associées à la pratique de la raison et de la vertu permettent donc à l'esprit de se purifier et de se détacher des passions pour développer les qualités propres à l'être que sont la fraternité, l'amour, le courage, l'honneur, etc.

Mais les Mystères anciens eurent pour objectif d'aller encore plus loin, en dépassant par leurs rites cette dimension philosophique, pour approcher la question fondamentale du sens de l'existence. Ces principes antiques furent repris dans les rituels des Grades, dans la forme d'origine proprement « égyptienne » définie par Marconis et qui comprend 33 grades dans le respect des autres rites.

Il est donc logique que la totalité de la pyramide de ces Grades soit, aujourd'hui, réactivée dans le strict respect des règles du Grand Orient de France et sous son contrôle. Cela complète la démarche de 1999 et relève de la même définition de légitimité et d'authenticité. L'initié franc-maçon poursuit ici ce que Platon appelait son ascension, par l'apprentissage progressif, ordonné et cohérent des différents systèmes qui ont composé la tradition occidentale, de la kabbale à l'Egypte en passant par la Grèce. Mais ce parcours véritablement initiatique est toujours celui d'un libre penseur, ayant déjà développé son esprit critique et sa bonté, celui d'un être qui construit et non qui détruit, celui qui s'ouvre à l'autre au lieu de chercher à le dominer. Comme le dit une de ces initiations :

« Si ce que tu viens chercher ici correspond aux deux termes que je viens de prononcer, Vertu et Connaissance, alors tu es le bienvenu et nous pouvons poursuivre ton initiation. Si au contraire, ce sont des honneurs supplémentaires ou des secrets menant au pouvoir sur les autres que tu cherches, alors ta place n'est pas ici. »

Mais une telle aspiration, même sincère pourrait entraîner une perte du sens des réalités, le développement d'un esprit irrationnel ne parvenant plus à faire usage de son sens critique et à prendre une distance critique avec le vécu conscient, volontaire et contrôlé de cette relation au sacré. Nous pourrions assister à de véritables délires mystiques dans lesquels la question de la sensibilité au sacré serait remplacée par la certitude d'un contact privilégié avec le plan divin. Les fantasmes d'Elus, de Supérieurs Inconnus, de Gardiens intemporels des vérités éternelles en seraient l'aboutissement. Il s'agirait d'une véritable confusion de l'esprit, d'un chamboulement des valeurs, dans lesquels le simple bon sens serait effacé devant un vécu spirituel considéré comme supérieur, rejetant la dimension physique ou du moins la marginalisant.

Or ce qui est visé est fort différent. Il s'agit comme nous le disions de la pratique de la raison et de la vertu, associée à une ouverture de la conscience au sacré par l'intermédiaire du rituel et de la connaissance. Les dimensions sociale et humaine ne sont en rien rejetées ou refoulées. Elles sont au contraire, le support nécessaire, la référence fondamentale sur laquelle s'appuie l'esprit qui s'ouvre à la compréhension du monde et d'autrui. Pour réaliser cet équilibre, le rôle de l'Obédience est donc primordial.

Que le Grand Orient de France, Obédience connue généralement pour son combat humaniste, social et progressiste, ait réveillé le Rite Egyptien est à ce titre très significatif. Ce rite peut enfin trouver la stabilité et l'ancrage dans le monde qui est fondamentalement nécessaire à son expression authentique.

 

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Soyez le bienvenu

Vous êtes sur le site du Grand Ordre Egyptien du Grand Orient de France, juridiction de « hauts-grades » maçonniques travaillant au Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm pratiqué selon une échelle en 33 degrés établie par Jacques-Etienne Marconis, fondateur du Rite de Memphis, lorsqu’il entra dès 1862 au Grand Orient de France avec son rite.

S’il est vrai que le Grand Orient de France s’intéresse au fait sociétal, il n’a pas pour autant oublié sa dimension initiatique.

C'est ainsi qu'il accueille ce rite maçonnique très riche dans sa symbolique, rite qui s’intéresse à l’hermétisme au sens des sciences d’Hermès Trismégiste. Les rituels et les travaux plongent le cherchant véritable dans l’Egypte alexandrine creuset des cultures, philosophies et religions de l’Egypte Ancienne, de la Grèce Antique, de la Mésopotamie et de l’Asie Mineure. Les Travaux de l’Académie Platon ou des Médicis sont aussi réactivés. Cette quête conduit nombre de participants vers la fameuse inscription qui ornait le temple d’Apollon à Delphes « connais-toi toi-même et tu connaitras l’Univers et les Dieux ».

Pour cela, le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm en 33 degrés n’emprunte rien aux autres rites. Contrairement à l’échelle en 95 degrés du même rite, celle en 33 degrés n’utilise pas les grades du Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Les rituels n’ont aucun lien avec la légende d’Hiram ou toute autre connotation judéo-chrétienne puisque ses fondamentaux sont pré-chrétiens.

 

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